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rencontre à la librairie la Forge

Publié le par Elisabeth St Michel

rencontre à la librairie la Forge

Rencontre à la librairie La Forge à Marcq en Baroeul le samedi 7 mai à 10h30 autour du recueil "disparaître ici".
Il y a tellement de façons de disparaître! Il est plutôt question ici de disparitions et d'enquêtes intimes qui cherchent à chatouiller l'âme. 
François Thévenin ( que les Marcquois ont peut-être croisé à la médiathèque de la Corderie ou au conservatoire)  sera à mes côtés pour vous offrir quelques extraits du livre et animer les échanges. 
J'espère vous voir nombreux!

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Disparaitre ici à l'honneur à l'occasion d'un Cafécriture de Filigrane

Publié le par Elisabeth St Michel

Disparaitre ici à l'honneur à l'occasion d'un Cafécriture de Filigrane
Disparaitre ici à l'honneur à l'occasion d'un Cafécriture de Filigrane
Disparaitre ici à l'honneur à l'occasion d'un Cafécriture de Filigrane

Une petite sortie à la Voisinerie de Wazemmes pour Disparaître Ici ce dimanche 14 novembre à l'occasion du Cafécriture organisé par l'association Filigrane. 
L'occasion pour moi de lire quelques extraits du recueil.  
Merci à Marie-Paule Bonnart qui m'a permis la lecture à deux voix des MISS et à Denise Cassou pour sa lecture d'un extrait de la Citadelle. 

LA CITADELLE, un regard sur l'école qui n'est pas qu'un lieu de savoir et d'insouciance. Maria, femme de ménage, se retrouve enfermée dans l'école, devenue une véritable citadelle! 
EXTRAIT: 
Maria, les petits, elle les couve. Mère poule, une case dans laquelle on l'enferme, on a besoin de cases pour ranger les gens. Ou de cages. Les mères poules évoluent rarement en plein air. On n'est plus à la maternelle, Maria, ils sont en primaire, on vise l'autonomie, d'accord ? Mélissa met un d'accord assuré au bout de ses phrases comme une évidence. Mais elle n'a rien à dire à Maria qui, elle, n'est pas animatrice. Elle est juste là pour poser les plats, ramasser les assiettes et laver les tables.        
Mélissa, Pierre et Zahid occupent les enfants jusqu'à la sonnerie. Ils sont jaloux, parce que Maria rassure les mioches avant de les engueuler et qu'ils sont plus calmes quand elle est là. Elle leur raconte des histoires qui les font rire et même les petits caïds, le temps d'une blague, déposent les armes. Tu es trop coulante, a ajouté Mélissa en regardant Léonie. C'est des gosses qui manquent de repères ça, les enfants n'ont plus assez de coups de pieds au cul !
Après le repas, Maria a pris son seau et ses lavettes pour donner à la cantine cette odeur de détergent mêlée à celle de nourriture qui lui lève le cœur.  Quant à ses clés...

Elle a déjà réactivé plusieurs fois la minuterie du couloir, une succession de boules opaques fixées au plafond qui répandent dans l'air un brouillard bilieux. Assise sur le sol marqué des traces mouillées des semelles qui sont passées par là tout à l'heure, elle a vidé le contenu de son sac par terre. Elle en a déjà cent fois fait l'inventaire. Elle se relève, shoote rageusement dedans. Comme une baudruche, le sac s'échoue mollement contre la porte vitrée du bureau qui est juste derrière elle. Un rideau fantaisie empêche les indiscrets de se mêler de ce qui ne les regarde pas. L'intérieur abrite des armoires métalliques et une flopée de pochettes renforcées, de documents plastifiés et étiquetés, de classeurs, de trieurs, de dossiers suspendus, un massicot géant, un broyeur, une plastifieuse, des réserves d'agrafes, de punaises, de marqueurs indélébiles. De nombreuses grilles, plannings et notes de service ornent un pan de mur complet. Lui font face une reproduction du Caravage et une de Soulage. Deux plantes grasses et une lampe articulée finissent le décor. Un bureau digne des fictions allemandes du début d'après-midi. À l’extérieur, une affichette indique les heures de rendez-vous possibles. Madame Tamarée règne en maître ici

 

 

https://www.editions-harmattan.fr/livre-disparaitre_ici_nouvelles_elisabeth_saint_michel-9782343227672-68500.html

 

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rencontre lecture avec Filigrane le 14 novembre à la voisinerie de Wazemmes

Publié le par Elisabeth St Michel

Merci Alice, pour cette photo!

Merci Alice, pour cette photo!

Disparaître ici passera son premier "grand oral" le 14 novembre à l'occasion d'une manifestation organisée par Filigrane, association villeneuvoise au sein de laquelle j'anime des ateliers d'écriture. Nous serons accueillis à La Voisinerie de Wazemmes, lieu qui vaut vraiment le coup d'être découvert (48 rue Barthélémy Delespaul à LILLE) 
Ouverte à tous, cette demi-journée permettra dans un premier temps aux personnes intéressées de s'essayer à divers jeux et ateliers d'écriture et à la lecture à haute voix de leurs textes. 
Dans un second temps, Jean-Marc Flahaut (également animateur et auteur) et moi-même aurons le plaisir de lire des extraits de nos dernières publications.
En ce qui me concerne, il s'agira donc de mon dernier recueil de nouvelles "Disparaître ici"
Sorti en mars 2021, il se compose de sept textes de "fiction intime". Enfances chahutées, rendez-vous manqués, quête de sens et d'identité, mises à nu... des personnes autant que des personnages.
Si vous n'avez pas eu l'occasion de le découvrir, il est possible bien sûr de le commander en librairie mais… quoi de mieux qu'une rencontre autour d'un verre ? 

Rendez-vous le dimanche 14 novembre à partir de 14h à la Voisinerie de Wazemmes pour une immersion dans l'écriture, des lectures, des échanges, des dédicaces, un moment musical avec les Fat Bottomed Boys et un bar ouvert durant toute la manifestation ! 
L’entrée est libre à n’importe quel moment de la journée.

https://www.editions-harmattan.fr/livre-disparaitre_ici_nouvelles_elisabeth_saint_michel-9782343227672-68500.html
https://lavoisineriedewazemmes.fr/activites-cafe-cantine-conciergerie-quartier-de-wazemmes-lille/

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Disparaître ici

Publié le par Elisabeth St Michel

Disparaître ici

Un recueil de sept nouvelles. A commander dans toutes les librairies ou sur le site de l'éditeur. 

Pour les amateurs de dédicaces ... on peut aussi s'adresser à moi directement! 

https://www.editions-harmattan.fr/livre-disparaitre_ici_nouvelles_elisabeth_saint_michel-9782343227672-68500.html

 

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Sans titre puisque sans texte

Publié le par Elisabeth St Michel

Sans titre puisque sans texte

Littérature sans texte

Venez sans texte. Laissez dans vos bibliothèques les mots que vous choisiriez, les tranches de livres qui vous tendraient des extraits appropriés, les lignes qui me rappelleraient à vous, entre lesquelles on me reconnaitrait en hochant la tête, les paragraphes émouvants qui feraient se trahir l’émotion. Les livres que j’ai aimés, moi seule les contiens, moi seule les détiens. Ils ont fait force dans ma vie, ils m’ont suivie et ils m’ont faite, ils ont été nuits blanches et déchirures, ils ont été désirs et cris.  Nul besoin de les ouvrir aujourd’hui alors que je m’en vais. Venez seuls, venez nus. Ne vous chargez pas non plus de vos écrits, tout littéraires qu’ils puissent être, attristés et me rendant hommage, louant mon caractère et mon parcours, citant des manifestes pour lesquels je me suis battue, égrenant des dates, des fonctions. Vous y éparpilleriez des notes d’humour, avec trop de délicatesse, sans heurter ni trahir, la franche rigolade risquant d’être, au vu de la circonstance, perçue comme choquante. C’est en musique que je vous attends pour ce dernier round, sans qu’aucun d’entre vous ne traverse la salle, sa feuille froissée à la main. Je pars aux quatre vents, quelques standards populaires en porte-voix. Chacun en lui-même se racontera l’histoire. Les mots battront dans vos tempes. Plus tard, quand vous serez attablés, au bistrot d’à côté et que la solennité aura fait ses valises, dans la bière et les cochonnailles alors, oui, on se retrouvera.

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Le pantalon du géant

Publié le par Elisabeth St Michel

Le pantalon du géant

De l’enfant, on ne voit que le visage, émergé de dessous la table, émergé de là où il se cachait, en boule, inaccessible. C’est là son refuge, une table d’écolier sous laquelle il se replie quand la tension est trop forte. Une main l’a saisi pour le ramener au monde. Un adulte s’est agenouillé, s’est mis à sa hauteur, ce qu’il dit n’est que brouillard et confusion. Le menton de l’enfant tremble, est-ce colère ou chagrin ? L’un est artisan de l’autre. Sa bouche s’arrondit comme si elle allait parler, ses lèvres remuent comme si elles allaient dire, elles hésitent, elles jargonnent, sa langue, affolée, les mouille de ses passages répétés. Ses lèvres sont humides, elles luisent, sa mâchoire esquisse un mouvement. Que faut-il faire ? Dire ou se taire, de soi sortir un mot, un son, un cri ? L’enfant est anxieux, il s’essuie la bouche d’un geste furtif de la paume et ignore le mouchoir qu’on lui tend. Le tremblement de son menton s’accentue, il entraine avec lui ses joues, rouges comme des joues fiévreuses, rouges et qu’on devine chaudes, rouges. Les yeux de l’adulte s’approchent, la bouche de l’adulte articule de nouveau des paroles floues. Les joues de l’enfant se crispent à présent, mues par l’appréhension, son visage entier se crispe. Sa bouche s’est refermée et sa mâchoire forme un étau inviolable, une barrière, un écran. Sur ses lunettes, deux corolles de buée se sont formées, ses yeux disparaissent derrière les verres. Sa respiration chahutée alimente la brume. L’adulte propose de nouveau le mouchoir, pour essuyer les lunettes, il tend la main. L’enfant se renfrogne encore, sur son front se dessinent des rides minuscules et profondes. Son visage est à présent complétement verrouillé. L’adulte s’approche encore avec d’infinies précautions. Tous les deux à genoux, sur un carrelage inhospitalier, ils sont tête contre tête, pas tout à fait, pas encore, l’apprivoisement est long. L’enfant déglutit, libère un de ses poings serrés pour écarter une mèche qui le gêne, le resserre aussitôt et l’appuie contre sa tempe. L’adulte s’est levé maintenant. À portée des yeux du petit, les lacets, énormes, de ses chaussures. Les tâches de rousseur qui s’étaient perdues dans une flaque pourpre réapparaissent. Les pommettes reprennent une couleur chair. L’enfant hésite. Tenter un repli vers l’antre encore douillet, sous la table à l’abri des regards, à l’abri du jour et à l’abri des mots, rester comme il est, assis à la croisée de deux rangées de pupitres ? Se rendre ou s’obstiner ? Le visage de l’adulte apparait de nouveau. Voilà que le corps cette fois plié en deux, l’homme se penche vers lui, et le rejoint presque. Sa tête, vue du dessous, est drolatique, c’est un masque, c’est une farce, ce sont deux yeux et un nez flasque qui tombe, un sourire de pitre, de son nez et de ses oreilles dépassent quelques poils. L’enfant se lève et s’accroche au velours du pantalon du géant.

 

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Page blanche

Publié le par Elisabeth St Michel

Page blanche

Blanc, blanc, blanc, nu, rien, blanc. Ce n’est rien, souvenir absent, du blanc, du blanc seulement. Blanc, mur. Se heurter, se cogner, page blanche, blanche blanche, page nue. Gomme, gomme blanche, blanche, blanche, effacer, s’effacer, ne rien garder. Ne pas regarder. Blanc, blanc, des blancs dans le texte, violents, remuants, muets, des blancs, muets, meurtris, meurtriers. Blanc, blanc, blanc, nu, rien, blanc, rien ne revient, oubli, amnésie, effacement. Blanc. Blanc sale. Blanc non innocent. Coupez ! Rien, nu, un mur, un rempart, un trou noir. Blanc, blanc, blanc, une coupure dans le texte, violente, remuante, meurtrie, meurtrière. Mémoire neigeuse, taiseuse, mémoire laiteuse, mémoire rageuse, entravée, bâillonnée. Chiffon blanc, blanc, souvenir troué, années blanches, rien, se heurter se cogner blanc, blanc, indistinct, indicible, muet. Blanc, indécent, blanc, blanc, blanc impudique blanc, impudent, blanc, obscène. Blanc, une blessure dans le texte, violente, remuante, meurtrie. Brûlante.

Pour écouter le texte, cliquer ici 

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Embrassement

Publié le par Elisabeth St Michel

Embrassement

Se laisser embarquer par un mouvement de caméra lent et circulaire ...

Tu en as passé des jours dans ce bar, derrière un comptoir aujourd’hui usé par les ans, par les verres qui y ont versé leurs larmes d’alcool et de sucre, par les passages répétés de lavettes en quête de brillance. Combien de générations de lavettes ? Et combien de tomes de blagues éculées et de commentaires fumeux au petit matin ? Combien de mondes défaits et retricotés, un point à l’endroit, un point à l’envers, à la lueur des idées neuves, combien de tables renversées, de poings levés ? Combien de queues de manifs réunies ici, banderoles déposées en travers des tables, slogans encore en bouche ? Derrière toi, des bouteilles affichent la couleur : whisky aux reflets d’or sans carat, gin irréprochable de transparence et ses sœurs, vodka, téquila. La fiole de genièvre, la gnole … Et puis les verres qui vont avec et qui portent la marque, Martini, Suze, JB et autre Gordon, les verres à bière, les calices les plus généreux. Parmi eux, le verre à Duvel ébréché que tu n’as jamais remplacé, trop de sentiments là-dedans, c’est ton verre, tu le tiens en main en égrainant les souvenances. Elles habitent ton esprit comme un sable fuyant, elles se dispersent et patiemment, tu les rassembles. Tu t’es assise sur le haut tabouret, à l’extrémité du zinc. À portée de ta main, le gros dictionnaire qui aidait aux mots croisés de la Voix du Nord que tu découpais et qu’on faisait collectivement. Petit Larousse illustré, 1991. Tu le feuillettes comme si tu cherchais quelque chose entre les pages jaunies, quelque chose d’infime, une virgule, un soupir. Ta nuque se reflète dans le grand miroir qui longe le bar. À gauche, des affiches scotchées sur la porte d’entrée témoignent encore des événements qui ont eu lieu dans le quartier, des ventes, une expo de peintres amateurs, un concert en plein air dans le parc de la mairie, un don du sang. La porte ne s’ouvre plus que pour te laisser passer, toi. Elle est doublée d’une lourde persienne. Du bois épais, des lattes solidaires qui n’ont pas empêché une intrusion l’année dernière, pendant les congés. Pour la caisse, ils étaient venus. Déçus, ils avaient laissé, après le grabuge, du verre cassé, du liquide renversé, vomi -l’odeur a mis des semaines à se dissiper et dans tes narines à toi, elle est toujours douloureuse-, des banquettes lacérées. Celle-ci, tiens, la première, entamée au canif sur son flanc, elle a craché de la mousse comme un ventre mou. Elle en crache encore et des filaments volètent aux abords de la cicatrice, une balafre d’une trentaine de centimètres. C’est une banquette pour deux qui fait face à deux chaises. Une table en bois verni entre elles, un distributeur de serviettes en papier rêche pour les amateurs de sandwichs, un cendrier que tu n’as jamais enlevé. Par endroits, le vernis s’écaille. Banquette, table, chaises, banquette, table, chaises. Les tables se rejoignaient parfois et on rapprochait les sièges. Les langues se déliaient, les distances se faisaient moins timides et le verbe devenait plus haut. À hauteur d’homme, une corniche fait le tour du café, pêche miraculeuse de vieilleries, du genre de celles qui donnent une âme. Le camion de pompier d’abord, comme on pourrait en voir apparaître dans un album de Tintin, sa grande échelle en bandoulière, indiffèrent à la poussière, terni mais inaltérable, passeur de témoin. À sa suite, des collections tronquées, données, abandonnées, des baigneuses, ta préférée s’affiche nue sur un fin drap de bain en faïence, des chouettes, des statuettes ivoiriennes que tu acceptais de Désiré - il t’en laissait régulièrement une en échange de -, des fleurs artificielles qui ont fini par faner, un service à thé, un casier à bouteilles, un transistor, l’antenne encore dressée en quête d’ondes, les piles ont-elles été retirées ou se sont-elles décomposées dans leur compartiment ?  Quelques pochettes de 45 tours, qui s’appuient sur le mur, Yellow Submarine, une Longue Dame Brune, pochette signée de sa main, le Gorille puis Piaf, et cette fissure qui écaille la peinture, un double éclair, entre Montand et Mitchell. Il fut un temps où on chantait ici et où on connaissait les chansons à texte. Sous les pochettes, le juke-box. Tu en graisses toi-même le mécanisme et il connait encore bien la musique. Huit colonnes, soixante-douze titres possibles, face A, face B. On chantait ici, on y dansait parfois quand le café était fermé et qu’il ne restait que les amis. L’appareil est à toi. Jamais quiconque n’a introduit dans son ventre la moindre pièce. Ce soir, il est éteint et il se tait. Dans l’angle, on se regroupait, on pianotait pour faire son choix et le mécanisme se mettait en branle. Les yeux des gosses clignotaient au rythme des loupiotes. Sur la vitre, il n’y plus de trace de doigt, quelques rayures dont tu connais l’exact emplacement. L’accès aux toilettes se fait tout à côté, une simple plaque émaillée. WC. Le battant style western n’a jamais bien fermé. Il baille à l’instant. Les quelques marches qui mènent à l’étage, mènent chez toi. Tu les aperçois en tournant la tête. Elles ne sont pas protégées par un panneau PRIVE qui en interdirait l’accès. Privé… ? Tu as refermé le dictionnaire et il n’y a plus de bière dans ton verre. Tu te lèves lentement pour le laver sous l’eau chaude du robinet de l’évier. Combien de fois l’as-tu fait ce tour, ce tour des lieux qui ont été, pendant soixante ans, ta vie ? Demain, ce sera les yeux fermés. Ce sera un embrassement mental qui alignera les objets et les gens sur une toile. Des détails se détacheront, tu les laisseras se gorger d’imprécision et devenir auréoles d’une aquarelle brouillée.

 

 

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Le phare

Publié le par Elisabeth St Michel

Beaucoup de métaphores, un phare, un pilier, un repère, un ancrage, un rempart…    
Un arbre pour mettre un peu de distance avec le corps, la maladie, le grand effilochage.

Tellement d’adjectifs, solide, inébranlable, indestructible…    
Et la difficile évidence qu’il faut se quitter.

Dans notre paysage intérieur, impossible de penser l’horizon sans cet arbre. Il est la sève et l’ombre, solide, profondément enraciné, infatigablement là, épuisé pourtant. Il est un refuge, pour rire, panser ses plaies, reconstruire le monde, se livrer, observer à la loupe les bizarreries humaines. Il est l’écorce et la lumière, sur le tronc, on grave des images intenses qui resteront, quoi qu’il arrive à l’arbre, même s’il est clair qu’il ne peut rien lui arriver, cet arbre-là n’est pas de ceux qui se laissent abattre ou foudroyer. Sur ses feuilles nervurées, on décalque nos parcours, on déplie nos vies. On ne peut imaginer sa disparition, Il est indéfectiblement présent. On ne cherche pas à le répertorier, il n’appartient pas aux essences communes et ne ressemble à aucun autre. C’est un pilier, un phare charpenté dont, de loin, on aperçoit les signaux.
On nous dit qu’il n’est plus là, que dans la clairière, seule une souche occupe l’espace. On nous dit que les parasites qui le rongeaient ont fini par gagner, qu’ils se sont emparés de lui, des racines à la cime et se sont infiltrés dans les moindres de ses pores jusqu’à l’étouffer. On nous dit qu’il est mort, que les botanistes qui en prenaient soin le pleurent, que cet arbre-là les a émus par sa singularité. On le savait, l’arbre lui-même le savait, que ses forces s’envolaient. N’empêche, nulle trace de la souche qui resterait comme témoignage de son passage. Dans notre paysage intérieur, indépendamment du corps qui a rendu les armes, c’est lui qui est là, gravé dans notre écorce, à nous.

 

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Parenthèse frontalière

Publié le par Elisabeth St Michel

Un long ruban se décline, rigoureusement monotone et changeant, sensible à la lumière, réactif aux frimas comme à la douceur de l’air, méticuleusement régulier et éphémère. C’est une fresque dormante dont le format permet le temps, le temps du pas qui s’inscrit, le tempo des arbres plantés tout au long du parcours, à égale distance les uns des autres, une ligne droite à perte de vue, à peine interrompue par de timides bâillements du chemin de halage. Les écluses égrainent des passerelles métalliques, taches d’encre noire sur eaux profondes. Officiellement interdits au public, les passages grillagés laissent passer les récalcitrants à la règle et leurs chiens qui s’y échauffent les coussinets. Les anciennes maisons des éclusiers, elles, sont murées. De l’une d’elles on a fait une guinguette. Les autres gardent dans leurs entrailles les secrets des gardiens de l’eau. Le canal s’étend, s’alanguit aux confins de la ville et des terres labourées et fertiles qui regorgent de poireaux et de  choux. Le chemin que l’on suit, on pourrait le suivre toujours, comme les parallèles de rails déterminés. À contresens, ou parfois nous surprenant à se déplacer dans notre sillage, une péniche. On s’arrête. Son chargement intrigue, les plus jeunes font signe à d’hypothétiques mariniers qui les croiseraient du regard. L’eau vaguelette, les poules d’eau se laissent porter. Sous le pont, les voitures qui passent au dessus de nos têtes font vibrer le béton. Sur les piliers et au creux de la soupente une flore foisonnante à la Douanier Rousseau, exubérance onirique qui contraste avec les parois sales qui lui servent de cadre.  Des aérosols de peinture sont encore posés là, au pied d’un petit échafaudage. Au retour à l’air libre, de l’autre côté de la nationale qu’on a traversée en creux, l’infinie longiligne trouve ses points de fuite. On l’abandonne là, on a assez marché, et on revient nonchalamment à la guinguette devant laquelle on est passé tout à l’heure. Un ciel lourd menace de craquer mais on s’installe quand même à l’extérieur, se régalant, avant qu’elle ne nous soit servie, d’une bière aux accents ambrés.

 

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